- déchoir
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• 1080; lat. pop. °decadere, de cadere « tomber »1 ♦ V. intr. Vx ou littér. sauf à l'inf. et au p. p. DÉCHOIR DE... Tomber dans un état inférieur à celui où l'on était. ⇒ s'abaisser, 1. se dégrader , descendre, 1. tomber. Déchoir de son rang, de son poste. ⇒ se déclasser, déroger, rétrograder. Il est déchu de ses privilèges. ⇒ déposséder, priver; déchéance.2 ♦ Absolt Être rabaissé (moralement, socialement). « ce singulier point d'honneur qui consiste à ne pas déchoir aux yeux de son public » (Balzac). La noblesse « se perd par le travail [...] Un métier fait déchoir » (Hugo). Vous pouvez accepter cette offre sans déchoir.♢ Tomber dans la déchéance (matérielle, physique). « l'idée de déchoir physiquement à ses yeux lui était quand même insupportable » (Loti). ⇒ baisser, décliner.3 ♦ V. intr. (Choses) Vieilli ⇒ décroître, diminuer. Sa popularité, sa fortune commence à déchoir, a beaucoup déchu.4 ♦ V. tr. DÉCHOIR (qqn) DE (un droit),l'en priver à titre de sanction. — Au p. p. Père déchu de ses droits parentaux.⊗ CONTR. Élever (s'), monter, progresser.Synonymes :- déposséder- priver deContraires :- réhabiliterPerdre de sa valeur ; s'affaiblir, déclinerSynonymes :- chuter- décliner- dégringoler (familier)- rétrograder● déchoir verbe transitif Priver quelqu'un d'un droit, d'un privilège, l'en déposséder : Le tribunal a déchu les parents de l'autorité parentale.déchoirv. intr. (Princ. employé à l'infinitif et au pp.) Tomber d'un état dans un autre, inférieur. Déchoir de son rang.|| être déchu d'un droit, en être dépossédé.⇒DÉCHOIR, verbe intrans.LittéraireA.— Tomber dans un état inférieur à celui où l'on était, s'abaisser. Déchoir de; faire déchoir; ce serait déchoir. La préoccupation du rang, le souci de ne pas déchoir, hantaient ces familles (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, À cheval, 1883, p. 398). Le bourg n'accepterait pas (...) qu'elle [Noémi] déchût de son rang de veuve admirable (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p. 213) :• 1. De bonne heure ceux-ci [les enfants] sont sevrés de merveilleux, et plus tard, ne gardent pas une assez grande virginité d'esprit pour prendre un plaisir extrême à Peau d'Âne. Si charmants soient-ils, l'homme croirait déchoir à se nourrir de contes de fées...BRETON, Les Manifestes du Surréalisme, 1er Manifeste, 1924, p. 31.— En partic. Tomber en décrépitude avec l'âge. La bonne fille (...). A déchu dans l'horreur d'une immonde vieillarde (VERLAINE, Œuvres compl., t. 3, Invect., 1896, p. 346).♦ Commencer à déchoir. Synon. usuel décliner (cf. Ac. 1932).— THÉOL. Perdre l'état de grâce (originelle). Tu fis tomber Adam et tu fis déchoir Ève (HUGO, Fin Satan, 1885, p. 929).B.— Au fig. Se dégrader, se défraîchir, s'altérer. Vaucogne n'en trouverait pas cinq mille francs, tellement il l'avait laissée déchoir [la maison] (ZOLA, Terre, 1887, p. 486) :• 2. ... on pouvoit s'en fatiguer quelquefois [de Weimar], mais on n'y dégradoit pas son esprit par des intérêts futiles et vulgaires; et si l'on manquoit de plaisirs, on ne sentoit pas du moins déchoir ses facultés.STAËL, De l'Allemagne, t. 1, 1810, p. 217.— P. métaph. littér., avec recours au sens étymol. Ce délire de croire que l'on peut cueillir son rêve, sans que la brusque cueillaison de ce corymbe chimérique n'en fasse déchoir les pétales au froid vent de la réalité (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1891, p. 77).Rem. 1. Déchoir est un verbe défectif qui se rencontre surtout à l'infinitif et au part. passé. Cependant, outre l'ex. du subj. chez Mauriac supra, on rencontre chez Flaubert (Corresp., 1852, p. 421) je ne déchoirai pas, et chez Proudhon (Guerre et paix, 1861, p. 91) une nation (...) ne périra, ne décherra même pas. 2. Le verbe se conjugue avec l'auxil. avoir quand il exprime une action et avec l'auxil. être quand il exprime un état résultant d'une action antérieure. État primitif de perfection, d'où la nature humaine est ensuite déchue par sa faute (CHATEAUBR., Génie, t. 1, 1803, p. 29). Comme j'ai déchu de moi-même depuis l'an dernier! (COLETTE, Cl. Paris, 1901, p. 197). 3. On rencontre ds la docum. l'emploi trans., rare. Se consoler de leur déchéance avec ce qui les [les convertis] a déchus (MAURIAC, Vie Racine, 1928, p. 239). Cet emploi n'est pas attesté par les dict. gén. du XIXe et du XXe s., à l'exception de DAVAU-COHEN 1972. Ds Fr. mod., t. 16, 1948, n° 2, p. 93, A. Thérive le signale comme un fait ,,d'observation courante, au moins depuis quelques années (...) au sens transitif de destituer ou, plus exactement, frapper de déchéance``.Prononc. et Orth. :[
], (je) déchois [
]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « tomber dans un état inférieur à celui où l'on était; succomber, avoir le dessous » (Roland, éd. J. Bédier, 1628 : Mult decheent li nostre!); av. 1309 femmes dechues (JOINVILLE, Hist. de St Louis, éd. N. de Wailly, p. 393); 1656 théol. déchoir de l'état de grâce (PASC., Prov., 15 ds LITTRÉ); 2. ca 1100 « (d'une choses diminuer d'intensité, faiblir » (Roland, éd. J. Bédier, 2902). Du b. lat.
« tomber » (class.
), de cadere « tomber », VÄÄN. 1967, § 205. Fréq. abs. littér. :155. Bbg. [Déchoir]. Intermédiaire (L') des chercheurs et des curieux. 1880, t. 13, p. 397. — THÉRIVE (A.). Deux nouv. verbes : déchoir; rassir. Fr. mod. 1948, t. 16, pp. 93-94.
déchoir [deʃwaʀ] v. intr.CONJUG. je déchois, tu déchois, il déchoit, nous déchoyons, vous déchoyez, ils déchoient; je déchus; je décherrai (vx) ou je déchoirai; que je déchoie; que je déchusse; déchu; pas d'imparfait ni de p. prés.ÉTYM. 1080, decheeir, Chanson de Roland; du lat. pop. decadere, de de-, préfixe intensif, et cadere « tomber ».❖1 Vx ou littér., sauf à l'inf. et au p. p. Tomber dans un état inférieur à celui où l'on était. ⇒ Décadence, déchéance; abaisser (s'), décliner, dégrader (se), dégringoler (fam.), descendre, rouler (dans), tomber. || Déchoir de sa grandeur, de son rang, de son poste. ⇒ Déclasser (se), déroger, rétrograder. || Il a déchu de son prestige, de sa réputation. || Déchoir dans l'estime du public. ⇒ Baisser. || Vous pouvez accepter son offre sans déchoir. || Ce serait déchoir que d'accepter une telle offre. || Depuis ce moment, il a déchu de jour en jour.1 Voilà ce qui fit déchoir un roi d'ailleurs si juste (…)Fénelon, Télémaque, XIV.2 Il était, comme toutes les natures essentiellement vaniteuses et légères, sujet à ce singulier point d'honneur qui consiste à ne pas déchoir aux yeux de son public (…)Balzac, la Muse du département, Pl., t. IV, p. 204.3 La noblesse se conquiert par l'épée et se perd par le travail. Elle se conserve par l'oisiveté. Ne rien faire, c'est vivre noblement; quiconque ne travaille pas est honoré. Un métier fait déchoir.Hugo, les Travailleurs de la mer, I, VI, II.♦ Vieilli. || Commencer à déchoir, se dit d'une personne âgée dont les facultés baissent. ⇒ Affaiblir (s'), décliner, vieillir.4 L'âge la fit déchoir; adieu tous les amants.La Fontaine, Fables, VII, 5.5 (…) mais l'idée de déchoir physiquement à ses yeux lui était quand même insupportable.Loti, les Désenchantées, V, XXXIX.♦ Théol. Perdre l'état de grâce.2 (Choses). ⇒ Affaiblir (s'), baisser, décliner, dégénérer, diminuer. || Sa popularité, sa fortune commence à déchoir.5.1 (…) cet ordre humaniste de police et morale où a déchu notre foi chrétienne, nous induisant enfin à penser avec paresse que Dieu est mort.Maurice Clavel, le Tiers des étoiles, p. 13.♦ Laisser qqch. déchoir, se détériorer, se dégrader.——————déchu, ue p. p. adj.1 (1307). Qui n'a plus (une position supérieure, un avantage). || Déclarer un prince déchu de ses droits et privilèges. ⇒ Déposer; priver (de); ban (mettre au ban). || Déchu de sa renommée, de son rang. || Père déchu de l'administration des biens de ses enfants mineurs. ⇒ Déchéance (→ Administrateur, cit. 1).5.2 (…) à peine j'ai conçu ce dessein flatteur, que me voilà déchu de toutes mes espérances.A. Galland, les Mille et une Nuits, t. II, p. 359.5.3 Ma vie de misère, en Espagne, était une sorte de dégradation, de chute avec honte. J'étais déchu.Jean Genet, Journal du voleur, p. 48.♦ Théol. Privé de l'état de grâce. || Humanité déchue par le péché. — Ange déchu. — N. (rare). || Un déchu, une déchue.6 (…) il (l'homme) est déchu d'une meilleure nature, qui lui était propre autrefois.Pascal, Pensées, VI, 409.7 Cette religion, qui consiste à croire que l'homme est déchu d'un état de gloire et de communication avec Dieu en un état de tristesse, de pénitence et d'éloignement de Dieu (…)Pascal, Pensées, IX, 613.8 Courage, enfant déchu d'une race divine !Lamartine, Première méditation poétique, « l'Homme ».9 La concupiscence dont l'humanité déchue est pétrie, ne peut être vaincue que par une délectation plus puissante (…) la délectation victorieuse de la Grâce.F. Mauriac, Souffrances et Bonheur du chrétien, p. 78.2 (Choses). || Fortune déchue. || Une bâtisse déchue, détériorée, en ruine.❖DÉR. Déchéance, déchet.
Encyclopédie Universelle. 2012.